Elle sniffe, elle boit, elle
flambe. Mais, surtout, elle s'ennuie. Et nous avec
Evidemment, on
n'aimerait pas trop jouer les pisse-froid en plein mois de juillet, quand les
copines sur le point de partir en vacances nous demandent si l'on n'aurait pas
quelque part le livre branché de l'été: «Tu sais, le roman de la pétasse...»
Ledit roman s'intitule Hell et débute effectivement ainsi: «Je suis une
pétasse.»
Le jour où Lolita Pille - 19 ans, teint mat, Adidas gris argent
et moue dédaigneuse - lui a présenté son manuscrit, Frédéric Beigbeder a tout de
suite flairé le coup. Et plutôt que de renvoyer Lolita chez papa et maman avec
une bonne fessée le temps qu'elle apprenne à lire et à écrire, l'auteur de 99
Francs l'a directement adressée à son éditeur. Chez Grasset, ce fut un cas
de conscience: allait-on titrer vendeur (Je suis une pétasse) ou la jouer
plutôt branché (Hell, du prénom de l'héroïne)? Autre dilemme:
accorderait-on la première interview à Ardisson ou à Fogiel, qui
s'entre-déchiraient déjà pour cette «exclusivité»? Le métier d'éditeur est
parfois cornélien.
Le milieu littéraire ne manquant pas de pétasses
prêtes à écrire, qu'est-ce que celle-ci a de particulier pour avoir vendu en un
mois 25 000 exemplaires de ce livre? D'abord, un bon sujet: l'histoire de Hell,
une gosse de riches paumée, qui, avec sa bande de fils à papa des quartiers
chics de Paris, carbure au gin, au fric, à la coke et aux antidépresseurs. Du
Queen aux boutiques de l'avenue Montaigne, elle traîne son ennui, ses cartes
gold, son mépris et ses sandales Prada en «classe A», jusqu'à ce qu'elle tombe
amoureuse d'un de ses semblables et que l'affaire se termine mal.
Si
Lolita Pille en connaît long sur les pétasses, il lui reste, en revanche, tout à
apprendre en littérature. On lui demandait juste de nous amuser, de nous
surprendre un peu. Or son livre si convenu, si faussement scandaleux, écrit avec
une truelle en argent, est ennuyeux et sinistre comme un pétard éteint. Du
Harlequin relooké Gucci. Dommage qu'avec un tel prénom Lolita Pille n'ait
sans doute jamais ouvert un vrai livre. Elle aurait alors appris comment Nabokov
sut faire d'une pauvre petite pétasse une icône de la littérature, en commençant
par ces mots: «Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins.»
(Translation: Too bad that despite her first name, Lolita Pille never
opened a real book. She would have learnt then how Nabokov could make a literary
icon from such a "whorelet" (literally : wretched little bitch), opening his
novel with these words: "Lolita, light of my life, fire of my loins".
)